Ce que l'affaire Émile Louis révèle des inégalités de justice

Il est l'un des tueurs en série les plus célèbres de France, Émile Louis - dit le "boucher de l'Yonne" - a notamment avoué le meurtre de sept jeunes filles handicapées disparues dans les années 1970. Si l'affaire a défrayé la chronique, peu de personnes s'intéressent à l'inégalité de traitement qui s'est établie lors des disparitions des victimes. 



 Jacques Vergès commence le premier chapitre de son livre "Malheur aux pauvres" par ce bref paragraphe. 

"Le procès d'Émile Louis s'est terminé le 25 novembre 2004 devant la cour d'assises de l'Yonne. Il a été condamné à la réclusion à vie, assortie d'une peine incompréhensible de dix-huit ans pour l'assassinat de sept pupilles de la DDASS au cours des années 1977, 1978 et 1979. Le procès en lui-même, affreusement banal, n'appelle aucun commentaire particulier. Ce qui appelle à une explication, par contre, c'est le délai de vingt-cinq ans mis par la justice  pour juger un type d'affaire où elle va beaucoup plus vite quand les victimes ont des parents socialement bien insérés."

Christine Marlot est la première victime du boucher de l'Yonne. Elle disparaît en janvier 1977. Personne ne s'en est inquiété. Six jeunes filles - également handicapées - vont ensuite disparaître les deux années suivantes. Il fallut attendre quatre ans supplémentaires et un huitième meurtre présumé pour qu'une enquête sur Émile Louis - seul lien entre les victimes - soit ouverte en 1981. Il fallut ensuite attendre seize années de plus pour qu'un juge d'instruction soit nommé et puisse débuter l'enquête. Dans son livre, Jacques Vergès écrit: " Ainsi, pendant deux décennies, la justice est restée sourde et aveugle, face à de multiples "disparitions" de handicapées pauvres et sans appui".

Entre le début de l'année 1977 et la fin de l'année 1979 donc, sept jeunes filles handicapées ont disparu sans que la justice ne s'y intéresse. Pourquoi ?
Et bien toutes étaient - au moins - légèrement handicapées, et toutes fréquentaient l'institut médico-éducatif d'Auxerre. Elles étaient donc "au bas de l'échelle sociale". Plus décisif encore, les parents des victimes étaient tous "socialement inadaptés" et n'ont donc pas poussé l'institution à enquêter. Cela veut donc dire que suivant leurs ascendances - maternelle ou paternelle - sept disparues peuvent être classées "fugueuses" pendant près de vingt ans. Où se trouve la place de l'égalité de tous face à la justice dans cette affaire ?

Alexandre Camino

La revue Sang-Froid a récemment publié un article traitant du manque d'intérêt de la justice dans la recherche de disparus. Vous pouvez le retrouver ici.

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