De l'affaire Dreyfus à l'affaire Mauvillain, toujours les mêmes erreurs commises par la justice ?


Rappel:
« Une erreur judiciaire est une erreur de fait commise par une juridiction de jugement dans son appréciation de la culpabilité d'une personne poursuivie ».  

La fin du XIXème et le début du XXème siècle ont vu la société française profondément se déchirer autour d'une éventuelle erreur (ou complot) judiciaire, ce que l'on appelle aujourd'hui "L'affaire Dreyfus". Aujourd'hui il est plus ou moins admis que l'institution judiciaire est plus fiable qu'il y a des décennies, est-ce réellement le cas ?



Interrogé à propos des erreurs judiciaires et des inégalités de justice, le chroniqueur judiciaire Paul Lefèvre explique que "l'institution commet bien moins d'injustices qu'il y a 50 ans". Le purement factuel tend cependant à lui donner tord. Nous ne reconnaissons aujourd'hui officiellement que 18 cas d'erreurs judiciaires. Sur toutes ces affaires, six ont eues lieues avant le XXème siècle, quatre entre 1900 et 1967, et huit dans les 50 dernières années. Bien sûr, cette information est à relativiser tout comme ces chiffres car une affaire ne devient une erreur judiciaire seulement quand la justice reconnaît s'être trompée (en Cours de révision). Et chaque année, environ 150 condamnés saisissent cette Cour pour obtenir l'invalidation de leur jugement. Mais depuis 1945, seules neuf décisions ont été ordonnées

Le capitaine Alfred Dreyfus fut accusé injustement de trahison pour avoir prétendument livré des documents secrets français à l'Empire allemand. Le 22 décembre 1894, après plusieurs heures de délibération, le verdict tombe. À l'unanimité des sept juges, il est condamné pour "intelligence avec une puissance étrangère" à la peine maximale applicable en vertu de l'article 76 du code pénal, la déportation au bagne et la dégradation militaire (qui se déroula le 5 janvier 1895). La publication d'un pamphlet - J'accuse...! - par Émile Zola dans le journal L'Aurore déclenchera une succession de crises politiques et sociales qui s'achèveront en 1906, par un arrêt de la Cour de cassation et la réhabilitation du capitaine Dreyfus.



Depuis cette affaire qui est devenue - au fil du temps - le symbole de l'injustice, l'institution elle-même s'est-elle améliorée ?

Guy Mauvillain est arrêté quelques jours après une très violente agression envers Élise Meilhan,  professeure de musique retraitée de 76 ans le 9 janvier 1975. Les pompiers et le docteur Girard (médecin légiste) qui la trouvèrent - le crâne fracassé - l'entendirent s'exprimer avant de sombrer dans un coma définitif : « C'est le mari de Mme Mauvillain, l'infirmière… ». L'enquête et l'instruction furent bâclés - le juge s'appuyant notamment sur le fait que Guy Mauvillain, fut 25 ans auparavant condamné pour proxénétisme hôtelier, complicité de cambriolage et vol de voiture - et il fut condamné le 25 novembre 1975 par la cour d'assises de Saintes à dix-huit ans de réclusion pour meurtre dans un procès d'une demi-journée et un délibéré d'une demi-heure. Un comité de soutien se forme rapidement au vu des problèmes de l'enquête, pas d'arme retrouvée, pas d'autopsie du corps, non saisie des radios de la victime etc. Enfin, une contre-enquête du chroniqueur judiciaire Paul Lefèvre - entre autre - permit un deuxième jugement. Guy Mauvillain est acquitté le 29 juin 1985 par la cour d'assises de Gironde. La justice lui accorda une comme indemnisation à hauteur de 400 000 francs pour dommages et intérêts. 



Presque séparées d'un siècle, ces deux erreurs judiciaires sont fortes de similitudes. Pourtant, la première illustre les fautes de l'institution judiciaire, mais la seconde serait davantage l'image des dysfonctionnements des acteurs de l'institution. Paul Lefèvre précise d'ailleurs que "ce n'est pas la faute du système en lui-même, mais la faute des gens qui participent au système. [...] Cette affaire c'est une alliance d'incompétence et d'imbécilité".

Les justiciables sont donc dépendants des compétences des personnes qui vont les prendre en charge et l'intérêt - ou non - qu'ils porteront à leurs dossiers. Ce "facteur chance" rend alors l'idée de l'égalité devant la loi, biaisée dès le départ. 

Alexandre Camino
 

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