Omar Raddad: L'exemple même de l'inégalité de justice

La justice, lorsqu'elle traite une affaire, ne met pas toujours tout en œuvre pour parvenir à sa résolution. C'est particulièrement vrai si l'on effectue une comparaison entre deux cas précis: "L'affaire Texier" et "l'affaire Omar Raddad".



L'affaire Texier 

Le 6 août 2003, Audrey Texier, seize ans, a été étranglée et violée en bordure de chemin sur l'île de Ré en pleine saison touristique. Bien qu'environ 150 000 personnes fréquentent les lieu chaque jour à cette période, personne n'a rien vu. Dès la découverte du corps - vers 13h45 - par la mère de la victime, tout a été fait pour "geler" la scène de crime, pour que personne ne puisse polluer ou corrompre les éventuels indices. Malheureusement, sur les lieux, il n'y a pas de cheveux, pas de sperme ou de poils comme c'est souvent le cas. Trois laboratoires vont être mis à contribution, Bordeaux, Poitiers et Nantes. Pendant plusieurs semaines, les trois laboratoires vont multiplier les analyses sur les éléments de la scène de crime pour trouver un ADN exploitable. Parallèlement, les gendarmes formeront une liste de 200 suspects éventuels qui auraient pu commettre ce crime. Après deux mois de travail, les scientifiques trouvent finalement des traces d'ADN exploitables. Après deux mois supplémentaires de recherches, les comparaisons sont réalisables. Les enquêteurs comparent donc l'ADN de 141 suspects - sur les 200 - avec l'ADN retrouvé sur les lieux, et le meurtrier est finalement confondu. Une chose est sûre, sans ces analyses, l'assassin n'aurait jamais été arrêté.

L'affaire Omar Raddad

Le 24 juin 1991, le corps de Ghislaine Marchal est retrouvé ensanglanté dans la cave de sa villa dans les Alpes-Maritimes. La scène de crime est digne d’un roman policier : la porte de la cave est barricadée et deux messages ont été tracés en lettres de sang : « OMAR M’A T » et « OMAR M’A TUER ». Ces deux phrases ont conduit la justice à inculper Omar Raddad, le jardinier de la victime, malgré ses protestations d'innocence. Il est peu de dire que cette affaire a défrayé la chronique. Pas moins de 18 livres ont été publiés sur le sujet. Elle est surtout connue pour les zones d'ombres et les incertitudes qui planent sur le dossier. Omar Raddad a finalement été condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle mais fut gracié par le Président Jacques Chirac. Dans son livre Malheur aux pauvres l'avocat - de l'accusé - Jacques Vergès explique que "la découverte de traces d'ADN sur les lieux du crime a laissé les magistrats de marbre, rétifs à toute recherche de la vérité"



L'utilisation ou non-utilisation de l'analyse ADN, quels motifs ?

Dans ces deux affaires, exploiter les traces  ADN découvertes pouvaient se révéler pertinent pour résoudre les meurtres. Pourtant, dans l'affaire Omar Raddad, la justice n'a pas voulu utiliser ces traces. Le 20 novembre 2002, la Cour de révision a refusé d'écouter les expertises de la Commission de révision avec le motif suivant (retranscrit en l'état dans l'ouvrage de Me Vergès): 

"Attendu que, si la découverte d'empreintes génétiques masculines sur les deux portes servant de support aux inscriptions accusatrices, ainsi que sur le chevron, constitue un élément nouveau, il est impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées ;
Attendu que de nombreuses personnes ont pu approcher les pièces à conviction avant le meurtre et, faute de précautions suffisantes, après celui-ci ; que, dès lors, serait privée de pertinence toute recherche complémentaire sur les empreintes génétiques découvertes, comme sur celles qui pourraient l'être par de nouvelles investigations ; 
D'où il suit que la demande en révision ne peut être admise."

 Donc, la justice refuse d'effectuer des analyses ADN dans l'affaire Omar Raddad sous prétexte que des personnes auraient pu polluer la scène de crime. Pourtant, comme le soulignait Jacques Vergès, "il passe moins de monde dans la cave d'une villa cossue à Mougnins que sur une grande route touristique de l'île de Ré". Comment expliquer alors ce refus ? Pourquoi l'institution judiciaire et ses acteurs se sont mobilisés pour utiliser l'ADN pour une enquête plus que compliquée et pas pour une affaire ou visiblement moins de personnes auraient pu corrompre les lieux du crime ? L'avocat d'Omar Raddad explique dans son livre que "la piste pouvait mener à un proche, "un homme du monde d'en haut", comme on dit, ayant intérêt à sa mort". C'est un cas flagrant d'inégalité de justice. 
De la à dire que "la justice préfère traiter différemment l'ADN des riches et l'ADN des pauvres..."
Disons plutôt deux poids, deux mesures.

Alexandre Camino

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